Raphaële Bertho
De la survey américaine à la mission française. Quelle politique photographique du paysage ?
Cette intervention analyse les liens entre deux termes souvent considérés comme équivalents : les “surveys” américaines et la notion française de “mission”. Ce questionnement, purement linguistique de prime abord, soulève des questionnements historiographiques importants à propos de commandes publiques qui ont pour point commun de mettre en relation les institutions, le territoire et la photographie. Peut-on considérer qu’elles présentent des caractéristiques qui permettent de les identifier les unes aux autres, bien qu’elles prennent place dans des contextes historiques, géographiques, institutionnels et artistiques différents ? Ces surveys et missions participent-elles d’une dynamique similaire des deux côtés de l’Atlantique ? Ou, au contraire, leurs singularités nationales les rendent-elles inassimilables les unes aux autres ? L’étude se focalise dans un premier temps sur deux projets qui ont la particularité de se dérouler de manière pratiquement simultanée aux États-Unis et en France : la New Mexico Photographic Survey (1981-1984) et la Mission photographique de la datar (1984-1988). L’analyse souligne ici deux convergences majeures : le statut accordé à la photographie considérée comme œuvre d’auteur d’une part, et la valorisation d’une pensée du paysage d’autre part. Ces caractéristiques ne sont cependant pas présentent dans les surveys ou missions du XIXe siècle, fonctionnant sur un modèle conforme aux normes de l’époque. En effet, malgré leurs revendications, les photographes sont sollicités par l’institution en tant qu’opérateurs, et leur travail n’est valorisé qu’à des fins de documentation et de valorisation de l’action de l’institution commanditaire. Ainsi, il semble que le point de rupture ne soit pas d’ordre culturel, mais bien plutôt historique, surveys et missions désignant toujours un objet commun, quand bien même ce dernier change de physionomie au fil des années. Surveys et missions restent identiques des deux côtés de l’Océan, mais changent de nature d’un siècle à l’autre.