Thierry Girard

Élargir le concept de l’Observatoire

 

Thierry Girard est un photographe français reconnu pour son esthétique particulière inspirée de photographes américains tels que Walker Evans ou Lee Friedlander. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris en 1974, il finit par s’engager dans une autre voie et commence à pratiquer la photographie en 1976. Il dirige son objectif vers le nord de la France et met en place une méthode de travail qui viendra nourrir l’intégralité de son œuvre. Après s’être intéressé à la street photography, il se tourne vers la photographie de paysage. Au milieu des années 90, alors qu’il travaillait exclusivement en noir et blanc, la couleur commence à apparaître dans son œuvre. Il entreprend un observatoire photographique du paysage dans le Parc naturel régional des Vosges du Nord en 1997, qui se prolonge encore aujourd’hui, avec cependant une interruption de 2006 à 2008. Parmi ses lieux de prédilection, le Japon et la Chine sont deux destinations récurrentes dans son œuvre.
Dans cet entretien, nous avons cherché à retracer la généalogie de l’observatoire national photographique du paysage des Vosges du Nord et à comprendre la valeur de cette expérience dans la démarche photographique de Thierry Girard.

Cet entretien peut être complété par la lecture de l’article de Raphaële Bertho et Frédéric Pousin « L’Observatoire photographique du paysage du PNR des Vosges du Nord : de l’œuvre à l’action », Projets de paysages.

Entretien de Thierry Girard avec Frédéric Pousin, mai 2016, inédit.

Oradour-sur-Vayres, Haute-Vienne, 2007 (Paysages insoumis © Thierry Girard)

« Il y a eu le désir de lancer les choses »

FP : Comment as-tu été sollicité pour participer à l’observatoire photographique national du paysage (ONPP) ?
TG : Mon nom est apparu assez rapidement au sein de l’équipe qui a initié l’ONPP au début des années 90. Il faut également noter que les premiers photographes de l’observatoire étaient des photographes qui avaient déjà eu l’expérience de la DATAR, ce que moi je n’avais pas. Par contre j’avais déjà travaillé pour le conservatoire du littoral et l’équipe savait que la question du paysage était une des données importantes de mon travail. Ceci dit, c’est très difficile pour moi de revenir en arrière et de dire « on s’est rencontrés à tel moment, on s’est croisés à telle époque, etc. ». Disons que j’étais dans le listing et qu’il était prévu qu’à un moment ou un autre je puisse intervenir sur un observatoire, mais il y a eu différentes phases. Il a fallu trouver les partenaires locaux, cela ne s’est pas fait d’un coup. Il y eu une phase initiale, avec notamment Depardon, Sophie Ristelhueber, etc. Nous avons ensuite été plusieurs photographes à faire partie d’une seconde phase qui s’est mise en place dans les quatre-cinq années qui ont suivi.

FP : Vous a-t-on informé de ce qui avait été lancé dans la première phase ?
TG : Oui, on a suivi cela de près, on n’était pas innocents.

FP : Tu parles de deux phases. Est-ce qu’il y a eu un changement d’objectifs ou alors un simple agrandissement du projet ?
TG : Je parle de deux phases parce qu’effectivement il y a eu le désir de lancer les choses de la part de l’équipe qui menait cette affaire, et puis après, d’élargir l’ONPP en multipliant les propositions d’itinéraires.

FP : Comment la rencontre s’est-elle effectuée avec le terrain, avec le PNR des Vosges du Nord ? Quel a été ta rencontre avec le territoire d’une part, avec l’institution et les interlocuteurs physiques d’autre part ?
TG : J’ai eu le luxe de m’entendre dire : « On te propose le choix entre trois observatoires ». Il y avait un projet d’observatoire sur la Loire qui ne s’est jamais concrétisé. C’est dommage d’ailleurs, car il y a un travail formidable à faire sur la Loire. Le projet était prévu sur une partie assez longue du fleuve : c’est pour cela que les choses étaient assez compliquées. Cet observatoire pouvait me tenter, car c’était ma région, et c’est un fleuve que j’aime particulièrement… Et puis il y avait la forêt d’Orient, qui a été confié finalement à Jacques Vilet, et enfin le PNR des Vosges du Nord. Et ce sont ces dernières qui en fait m’intéressaient le plus.

FP : Pourquoi ?

« Des photographes dépaysés »

TG : D’abord parce qu’au début de l’ONPP, il était important que les photographes choisis soient dépaysés par rapport au territoire. On n’allait pas demander à quelqu’un qui habitait en Bretagne de participer à un observatoire en Bretagne. Et quelque part, l’Alsace du Nord c’était ce qui était de plus dépaysant et de plus éloigné de chez moi. En même temps, ce n’est pas un choix tout à fait innocent parce que « Frontières », mon premier projet constitué autour de la question du paysage, projet initié au milieu des années quatre-vingt, partait de cet endroit-là et remontait le long de la frontière jusqu’à la mer du Nord. Donc, sans connaître le PNR des Vosges du Nord, je l’avais traversé. Je me suis dit « tiens, ça m’intéresse ». C’est comme ça qu’on a pris rendez-vous avec le directeur du PNR, Marc Hoffsess, et l’architecte paysagiste de l’époque. On est venu en délégation de Paris : il y avait Daniel Quesney, Anne Welche, une paysagiste, et l’autre cheville ouvrière de l’équipe, Caroline Stefulesco. Les responsables du parc naturel ont présenté leur territoire, moi j’ai présenté mon travail et on s’est tapé dans la main en disant « c’est bon ! ».

FP : Le PNR était installé depuis longtemps ?
TG : Ils ont fêté les trente ans du PNR l’année dernière. Cela veut dire que le PNR a été créé en 1985, c’était alors une structure encore jeune.

FP : Un comité de pilotage s’est-il constitué pour cet observatoire ? Comment cela s’est- il passé ?

« Dès qu’il y a une brèche, on se dit qu’on peut quand même faire des choses »

TG : J’ai engagé mon travail début 97. Il y a eu un premier comité de pilotage pour définir la matière du futur OPP, définir les problématiques paysagères, expliquer aux gens du syndicat du parc et aux élus ce qu’on allait y faire, et enfin me fournir les données nécessaires et suffisantes pour entreprendre mon travail. Une des premières choses que j’ai faite a été de partir sur le terrain avec l’architecte du parc. On a fait deux jours de terrain sans faire de photos. Il m’a fait faire tout le tour du territoire en voiture, en me montrant un certain nombre de choses, et je prenais des notes. Le premier comité de pilotage, où l’on était amené à consulter les premiers travaux, a eu lieu à l’automne suivant. J’ai fait mes premières photos en février 1997, je suis parti au Japon pendant quatre mois et au retour, à l’automne, j’ai fait une deuxième session de travail où j’ai montré les photos prises en février.

FP : Quand j’ai assisté au comité de pilotage auquel tu m’avais invité, j’ai trouvé que l’ambiance était conviviale, ouverte au débat, à la discussion. Cela m’est apparu comme un lieu assez stimulant. Cela a-t-il toujours été le cas ?
TG : Non pas du tout. Les premiers comités de pilotage étaient plus tendus. Cela a toujours été courtois, il n’y a pas eu d’engueulades mais il y avait une présence plus forte des élus qui étaient globalement méfiants par rapport à la question de l’observatoire. Cependant, j’ai tout de suite eu le soutien de deux élus « inconditionnels » : face à un groupe où tout le monde adopte la même attitude c’est difficile, mais dès qu’il y a une brèche, on se dit qu’on peut quand même faire passer des choses. Cela a été la même chose du côté des gens du parc : il y avait l’enthousiasme initial de Marc Hoffsess, mais malheureusement l’architecte qui m’avait accompagné la première fois sur le terrain n’est pas resté. Il y a eu un manque de ce côté et je me suis retrouvé seul sur le terrain, sans que les autres chargés de mission se sentent alors directement concernés. Ils pensaient « c’est un projet du ministère, ça ne nous coûte pas d’argent, mais on n’en a rien à faire ». Donc ça n’a pas été simple et c’est vraiment le soutien d’une paire d’élus, de Marc Hoffsess, puis l’arrivée quatre ou cinq ans après d’un nouvel architecte, Pascal Demoulin, suivi de Rita Jacob, qui ont permis de faire durer les choses.

FP : Ça a tenu dans le temps, malgré une interruption de trois ans.

« Une autre réflexion sur les questions du paysage »

TG : Oui, cette interruption a correspondu au moment où nous avons décidé de faire un premier point en 2004, avec la parution du livre[1] et la mise en place d’une exposition, où il y avait à la fois des beaux tirages, comme ceux que l’on voit à la maison du parc, pour montrer la dimension artistique du projet, mais également une partie imprimée sur bâche, plus pédagogique, à vocation didactique, qui devait circuler sur l’ensemble du territoire. On y expliquait en quoi consistait l’observatoire, on y montrait des exemples de reconduction, l’évolution du paysage, on demandait également aux gens d’intervenir, en leur permettant d’écrire à même la toile. À cette époque, ce n’était plus le ministère mais les régions Alsace et Lorraine qui finançaient l’observatoire. Du côté de la région Alsace, un certain nombre d’élus ont dit : « vous avez votre livre, vous avez votre exposition, maintenant ça suffit, on arrête les frais ». Je me souviens d’une élue qui avait même proclamé : « les moches photos maintenant, c’est terminé ». Ce n’était pas simple : j’ai bien vu qu’au moment où l’on a fait ce premier travail de restitution, les élus du territoire n’étaient pas très enthousiastes. En même temps, cela correspondait à une période où Marc Hoffsess levait le pied par rapport au parc, il avait envie de se confronter à de nouvelles expériences. Du coup, on a pu reconduire 2005, mais lui n’était déjà plus là pour se battre, trouver les financements, convaincre les régions pour les reconductions en 2006, 2007 et 2008. Par chance, c’est alors que le ministère a décidé de faire une sorte d’audit sur les observatoires dont la plupart étaient vraiment à la peine. Ils se sont dit que cet observatoire, qui avait été un peu négligé par eux, était très intéressant et qu’il fallait peut-être le reprendre. Les DREAL[2] ont proposé de se substituer aux régions pour assurer le financement des reconductions. Entre temps, au parc, une nouvelle équipe de direction s’est créée, avec des chargés de mission plus enthousiastes qui avaient soutenu la fin de la première phase, alors qu’ils n’avaient pas encore vraiment voix au chapitre, mais qui depuis avaient pris de l’importance. Il y a aussi eu un changement de gouvernance du côté des élus. Un élu lorrain a succédé à un élu alsacien, ce qui arrangeait les choses. On a assisté à un vrai changement de génération. Les élus étaient plus jeunes et avaient une autre réflexion sur les questions de paysage et sur les questions d’environnement. L’observatoire est reparti sur ses bases actuelles grâce à tous ces changements là.

 

FP : Et quelle est la place de l’observatoire dans ton œuvre de photographe ? Comment considères-tu cet outil d’observation du territoire, par rapport aux autres démarches que tu as créées dans tes diverses productions ?

« Revenir dans le vif du monde »

TG : Il m’est difficile de répondre précisément à cette question, mais elle est pertinente. Je voulais faire partie de l’observatoire parce que j’avais manqué la DATAR. Je me disais « s’il y a un deuxième coup qui part, il faut que j’y sois ». En même temps, j’étais bien conscient, comme la plupart des photographes sollicités, que nous ne jouirions pas de la liberté dont les photographes de la DATAR avaient bénéficié. Il y avait quelque chose d’extrêmement contraignant dans les méthodes de l’OPP, telles qu’elles avaient été définies et telles qu’on nous demandait de les respecter. Avec surtout le risque d’une certaine forme de standardisation des images, sachant que même sur des territoires différents, les problématiques paysagères se recoupent bien souvent. On était sensé faire une image relativement neutre et objective sur le plan esthétique en utilisant les mêmes outils, chambre ou moyen-format. Il n’était pas question de « jouer à l’artiste ».
Pour remettre les choses dans leur contexte, j’avais commencé par faire un travail sur le paysage dès le début des années 80, dans le Nord et l’Est de la France, et ce travail avait déjà une forte dimension documentaire. J’ai peu à peu mis cet aspect de côté pour privilégier une approche du paysage plus métaphorique, plus littéraire, plus poétique, approche sur laquelle j’ai travaillé sept ou huit ans. La commande de l’observatoire est intervenue au moment ou j’avais envie de revenir dans le vif du monde. Ce n’est également pas un hasard si cela s’est synchronisé avec mon séjour au Japon à la Villa Kujoyama. Certaines personnes attendaient de moi que je fasse des photos « zen », mais ce dont j’avais véritablement envie, c’était de me confronter à la réalité du paysage ordinaire du Japon, en reprenant la route du Tôkaidô et en l’actualisant. J’avais donc d’un côté cette commande très contraignante de l’OPP et de l’autre cette résidence artistique, où j’étais sensé établir un véritable propos d’auteur. En fait, les deux se recoupaient, même si je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. C’est un peu plus tard, lors de la deuxième mission de l’observatoire, que j’ai commencé à établir le lien entre les deux. L’approche plus rigoureuse du paysage que j’étais en train de développer via l’observatoire était quelque chose qui avait in fine nourri mon travail au Japon. Je me suis alors pris au jeu de l’observatoire. Le corpus s’est développé sur deux années, 1997 et 1998, et plus le temps passait, plus je prenais du plaisir à penser l’observatoire et à analyser le territoire avec cette contrainte documentaire. Mais je n’ai véritablement pris conscience de l’influence de l’observatoire sur la suite de mes projets que lorsque ceux-ci, comme la traversée de la France d’une mer à l’autre[3] entre 2000 et 2002, se sont construits. J’ai fini par accepter que je n’avais pas mon travail de commande d’un côté, mon travail d’artiste de l’autre. L’un nourrissait l’autre et réciproquement. En 2006-2007, j’ai décidé de privilégier, pour Paysages insoumis[4] le travail à la chambre, et lorsqu’en 2009, l’observatoire m’a à nouveau sollicité, j’ai voulu continuer avec cet outil. Entre temps j’avais développé un certain nombre de projets sur le territoire français et quand j’ai accepté de reprendre l’observatoire, j’ai voulu le faire en élargissant le concept, en développant les problématiques, en lui donnant une dimension encore plus artistique. La direction du PNR était d’accord sur le principe et c’est comme ça que L’OPP des Vosges du Nord s’est mis en place pour une seconde phase.
Dans le cadre de l’exposition de 2017 à la BNF[5], une partie de mon travail sur l’OPP va être montrée. En même temps, je ne veux pas qu’on me considère d’abord comme un photographe d’observatoire : je n’ai pas cherché à accumuler ce type de commandes paysagères. Quelques photographes sont devenus des spécialistes d’atlas paysagers ou d’observatoires… J’ai dû répondre à trois ou quatre appels seulement en dix ans, en gagnant un, celui de l’observatoire de l’Aude. J’ai accordé beaucoup d’importance à ce travail dans les Vosges du Nord, et je ne pensais pas pouvoir refaire la même chose aussi bien ailleurs, même si je me suis aperçu que les photos de l’Aude, sont également intéressantes. Mais cette série a été commencée en 2011, et je n’aurai jamais vingt ans d’observatoire devant moi…

 

FP : Quel est le statut de l’observatoire du paysage de l’Aude ?
TG : C’est un observatoire qui s’est fait à l’initiative de la DREAL Languedoc-Roussillon, qui a demandé au CAUE de l’Aude de le porter et de le financer. Je l’ai reconduit trois années de suite jusqu’en 2014.
Globalement, si l’on considère mon projet Paysage insoumis, ce que je viens de faire dans les Ardennes[6], ou le travail encore plus récent dans l’est de la France, sur l’itinéraire de la deuxième division blindée… Toutes ces photos peuvent être considérées comme des photos de mon observatoire de la France. Je ne dirais pas forcément des photographies d’observatoire stricto sensu, mais elles ne sont pas en rupture.

FP : La question du rapport au territoire, des arpentages, te stimule donc plus que la question de la reconduction ?

« Quand on a deux cents points de vue on a le choix »

TG : Je connais tellement bien mon territoire. Quand je reviens deux fois par an, je sais précisément où sont tous les points de vue, je m’amuse à les « vérifier ». Cela fait partie du jeu et du plaisir de se dire « là je m’arrête, là non ». Quand on a deux cent points de vue (le corpus a été doublé depuis 2009), on a le choix. On sait qu’il y a des endroits où il s’est passé des choses. La plupart du temps, c’est moi qui apporte des informations au comité de pilotage, mais on me donne aussi parfois quelques indications. Mais je peux reconduire aussi des points de vue statiques, c’est parfois intéressant.

FP : Finalement c’est assez exceptionnel, ce fait d’avoir des points de vue et de pouvoir y revenir, de les choisir, surtout si l’on compare cela à ton travail de suivi des traces historiques, où tu reviens sur des lieux à la recherche de traces.
TG : Dans ces projets que tu évoques, en fait il n’y a pas de traces, il n’y a rien, il y a simplement des forêts, des villages… Dans Paysages insoumis, j’avais des lieux assez précis, que j’arrivais à déterminer par une recherche documentaire. Pour Une campagne victorieuse je suis l’avancée d’une armée, en l’occurrence la Deuxième DB, d’escarmouches en champs de bataille. Je me nourris de différents écrits et témoignages des acteurs de l’époque. La plupart d’entre eux n’étaient pas originaire de la région et ne connaissaient pas forcément le terrain. Parfois je sais ce qu’il se passe sur un plan militaire, sur le plan des combats, de la stratégie, mais une fois sur le terrain, je ne suis jamais tout à fait sûr d’être au bon endroit. Alors je m’arrête dans les villages, j’essaye de trouver le maire ou une personne âgée, et je leur demande comment ça s’est passé. Et ce qu’ils me racontent est souvent différent de ce que je lis.

FP : Quelle valeur cette idée de durée, de continuité de l’OPP a-t-elle dans ta pratique photographique ? C’est quelque chose d’assez exceptionnel en fait.
TG : Oui, absolument.

« En fait, le double enjeu est de continuer à me faire plaisir comme photographe et de faire en sorte qu’eux trouvent un intérêt dans ce que je leur apporte de nouveau »

FP : C’est rare une commande qui dure vingt ans !
TG : Surtout par les temps qui courent !

FP : Mais même de manière plus générale, dans une pratique professionnelle, c’est très rare.
TG : Je crois que ça s’est fait parce que finalement le désir était réciproque. On s’est bien entendu, que ce soit avec Hofssess puis avec Eric [Brua, actuel directeur, NDLR] et son équipe. Quand Eric a remis l’observatoire sur les rails, il a eu conscience qu’il y avait un enjeu. Il ne m’a pas fait revenir uniquement pour des raisons d’amitié et de sympathie. Quand le ministère lui a fait la proposition de reprendre l’observatoire, il a su la saisir au vol.

FP : As-tu conscience de cet enjeu par rapport aux missions du parc ?
TG : Oui, c’est pour ça qu’il y a cette discussion, ce dialogue ouvert lors de nos échanges dans les comités de pilotage et que j’essaye de faire des photos qui leur soient utiles. En fait, le double enjeu est de continuer à me faire plaisir comme photographe et de faire en sorte qu’eux trouvent un intérêt dans ce que je leur apporte de nouveau.

FP : Que cherches-tu dans ce travail ? Est-ce quelque chose que tu pourrais exprimer ou est-ce plus intuitif ?
TG : J’essaie de construire une approche globale du territoire qui soit la plus pertinente et la plus juste possible par rapport à la connaissance que j’en ai aujourd’hui. Je me fais plaisir mais en même temps j’essaie d’avoir une responsabilité par rapport à la question de comment représenter ce territoire.

FP : As-tu le sentiment que tu as accumulé une connaissance du territoire, que tu arrives à restituer cette connaissance avec la photographie ? Est-ce cela qui t’intéresse ?
TG : J’ai une connaissance très fine du territoire et de ses enjeux, d’où la qualité de l’échange que j’ai avec les gens qui vivent et travaillent sur ce territoire.

FP : Considères-tu que ta connaissance personnelle du territoire est une contribution à l’ensemble des connaissances que les gens du PNR élaborent à travers leur mission de diagnostic, d’accompagnement d’évolution du territoire ?

TG : Tout à fait.

FP : Vous êtes en train de travailler sur le partage de cette contribution. C’est le travail que fait Romy Baghdadi (la paysagiste chargée de mission au PNR – NDLR), qui introduit une dimension de médiation, elle propose des outils de partage. Est-ce quelque chose qui t’intéresse ?
TG : Cela m’intéresse énormément, parce que si je peux avoir un discours théorique et esthétique sur mon travail, je trouve ça formidable de voir la manière dont on peut analyser et désosser mes photographies pour les faire parler autrement et faire valoir des choses qui a priori ne sont pas mes sujets principaux de recherche. C’est intéressant de voir comment moi je me suis approprié un territoire et de voir comment les gens de ce territoire se sont appropriés mes images.

 

 

Observatoire national photographique du paysage des Vosges du Nord Eschbourg (site 24) Octobre 1997 © Thierry Girard
Observatoire national photographique du paysage des Vosges du Nord Eschbourg (site 24) Octobre 1999 © Thierry Girard
Observatoire national photographique du paysage des Vosges du Nord Eschbourg (site 24) novembre 2001 © Thierry Girard
Observatoire national photographique du paysage des Vosges du Nord Eschbourg (site 24) septembre 2004 © Thierry Girard
Observatoire national photographique du paysage des Vosges du Nord Eschbourg (site 24) octobre 2012 © Thierry Girard

 

[1] Vosges du Nord, Les Imaginaires, Toulouse, 2004.

[2] Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, NDLR.

[3] D’une mer l’autre, textes et photographies de Thierry Girard, Marval, Paris, 2002.

[4] Paysages insoumis, photographies de Thierry Girard, texte de Pierre Bergounioux, éditions Loco, Paris, 2012.

[5] Paysages français, une aventure photographique (1980 – 2017), exposition à la Bnf François Mitterrand du 24 octobre 2017 au 4 février 2018.

[6] Salle des fêtes, texte et photographies de Thierry Girard, éditions Loco, Paris, 2016.

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