Timothy Davis
Visualiser le paysage vernaculaire
Tim Davis affirme dans cette présentation que la nature subjective de la photographie permet de renforcer sa valeur à la fois en tant que pratique discursive et en tant que ressource pour la recherche dans le champ du paysage culturel. Il interroge le travail de photographes passés et actuels, non seulement pour observer les changements du paysage, mais aussi pour examiner la façon dont les sociétés conceptualisent leur environnement bâti. Il se penche également sur la nature et la fonction de l’interprétation culturelle. Il souligne la façon dont la photographie culturelle de paysage permet à la fois de refléter et de donner forme à des idées venant questionner l’importance de certains paysages, et leur intérêt.
Les conventions esthétiques ainsi que certaines prédispositions culturelles influencent l’interprétation et la représentation des paysages. Les images ont souvent un rôle précieux en tant qu’indicateurs des tendances culturelles de leur créateur. Ainsi à la fin du XIXe siècle, l’agenda des paysagistes et de la direction des parcs impliquait la conversion de paysages vernaculaires comprenant les habitations de la classe ouvrière en paradis contemplatif pseudo anglo-saxons, et un certain type d’imagerie photographique était utilisée pour promouvoir ces projets.
Au même moment, un certain nombre de photographes relativement oubliés répondaient à l’impact de la modernité sur les paysages ruraux et faiblement urbanisés. Au lieu de documenter cette transition, les photographes tournèrent leurs objectifs vers le paysage vernaculaire, qui apparaissait alors comme vierge de toute modernité sociale, commerciale et technologique.
A l’aube des années Trente, le rêve américain disparut avec la grande dépression, et les photographes issus de cette période se démarquèrent par leur relation ambivalente à la modernité. Les images produites par Walker Evans ou la Farm Security Administration illustrent parfaitement la rapidité avec laquelle les forces conjointes de la modernisation et du capitalisme consumériste transformèrent le paysage traditionnel. Ces photographies insistent également sur le besoin de la population de s’appuyer sur les symboles d’un passé plus simple et plus stable.
Pendant les années 50, les photographes critiquèrent et célébrèrent une Amérique en perpétuelle évolution, chaotique et superficielle, mais regorgeant de vie et pas encore totalement désespérée. Le désenchantement apporté par les années 70 et 80 se ressent à travers une production d’images ternes et oppressives, représentant l’étalement urbain qui était alors vivement critiqué par les urbanistes et les architectes.
Aujourd’hui, alors qu’une majorité de photographes produit des images visuellement frappantes et très révélatrices d’un point de vue graphique, (« pornographie de ruines » illustrant le déclin de Detroit, témoignage de la dévastation des quartiers populaires et ouvrier de la Nouvelle Orléans par Katrina…), la critique de ces travaux concernant le courant dominant de la culture américaine et la fascination de la fin du XXe siècle pour les décors abandonnés ou détruits incarne néanmoins un élitisme esthétisant vivement décrié.